[Orgueil et Préjugés] L’amour selon Mr Collins…

 

C’est une vérité universellement reconnue qu’un célibataire pourvu de bon sens évitera d’allumer la télévision, de lire les journaux ou de passer devant les vitrines des fleuristes entre le 1er et le 15 février.

Saint-Valentin oblige !

Qu’on soit célibataire ou en couple, il flotte dans l’air ce jour-là un stress indéniable.  Réservation d’un restaurant 3 mois à l’avance, choix des fleurs, de la lingerie coquine, de la musique qui la fera craquer, du rouge à lèvres qui tient en toutes circonstances…  Trop de pression !

Alors, pour détendre l’atmosphère et rire un peu, beaucoup, passionnément, à la folie… je vous offre l’une des déclarations d’amour les plus drôles de la littérature.

C’est cadeau, et c’est pour vous.

Coeur

Déclaration d’amour de Mr Collins à Elizabeth Bennet

 

Jane Austen, Orgueil et préjugés, extrait du chapitre XIX

— Les raisons qui me déterminent à me marier, continua-t-il, sont les suivantes : premièrement, je considère qu’il est du devoir de tout clergyman de donner le bon exemple à sa paroisse en fondant un foyer. Deuxièmement, je suis convaincu, ce faisant, de travailler à mon bonheur. Troisièmement, – j’aurais dû peut-être commencer par-là, – je réponds ainsi au désir exprimé par la très noble dame que j’ai l’honneur d’appeler ma protectrice. […] Permettez-moi, ma belle cousine, de vous dire en passant que la bienveillance de lady Catherine de Bourgh n’est pas un des moindres avantages que je puis vous offrir. Ses qualités dépassent tout ce que je puis vous en dire, et je crois que votre vivacité et votre esprit lui plairont, surtout s’ils sont tempérés par la discrétion et le respect que son rang ne peut manquer de vous inspirer.

[…] Et maintenant il ne me reste plus qu’à vous exprimer en termes ardents toute la force de mes sentiments. La question de fortune me laisse indifférent. Je sais que votre père ne peut rien vous donner et que mille livres placées à quatre pour cent sont tout ce que vous pouvez espérer recueillir après la mort de votre mère.

Je garderai donc le silence le plus absolu sur ce chapitre et vous pouvez être sûre que jamais vous n’entendrez sortir de ma bouche un reproche dénué de générosité lorsque nous serons mariés.
— Vous allez trop vite, monsieur, s’écria Elizabeth. Vous oubliez que je ne vous ai pas encore répondu. Laissez-moi le faire sans plus tarder. Je suis très sensible à l’honneur que vous me faites par cette proposition et je vous en remercie, mais il m’est impossible de ne point la décliner.
— Je sais depuis longtemps, répliqua Mr. Collins avec un geste majestueux, qu’il est d’usage parmi les jeunes filles de repousser celui qu’elles ont au fond l’intention d’épouser lorsqu’il se déclare pour la première fois, et qu’il leur arrive de renouveler ce refus une seconde et même une troisième fois ; c’est pourquoi votre réponse ne peut me décourager, et j’ai confiance que j’aurai avant longtemps le bonheur de vous conduire à l’autel.

— En vérité, monsieur, cette confiance est plutôt extraordinaire après ce que je viens de vous déclarer ! Je vous affirme que je ne suis point de ces jeunes filles,– si tant est qu’il en existe, – assez imprudentes pour jouer leur bonheur sur la chance de se voir demander une seconde fois. Mon refus est des plus sincères : vous ne pourriez pas me rendre heureuse et je suis la dernière femme qui pourrait faire votre bonheur. Bien plus, si votre amie lady Catherine me connaissait, je suis sûre qu’elle me trouverait fort mal qualifiée pour la situation que vous me proposez. […] Veuillez m’accorder la liberté de juger pour mon compte et me faire la grâce de croire ce que je vous dis. Je souhaite vous voir heureux et riche et, en vous refusant ma main, je contribue à la réalisation de ce vœu. […]

— Lorsque j’aurai l’honneur de reprendre cette conversation avec vous, j’espère recevoir une réponse plus favorable ; non point que je vous accuse de cruauté et peut-être même, en faisant la part de la réserve habituelle à votre sexe, en avez-vous dit assez aujourd’hui pour m’encourager à poursuivre mon projet.

— En vérité, Mr. Collins, s’écria Elizabeth avec chaleur, vous me confondez ! Si vous considérez tout ce que je viens de vous dire comme un encouragement, je me demande en quels termes il me faut exprimer mon refus pour vous convaincre que c’en est un !

— Laissez-moi croire, ma chère cousine, que ce refus n’est qu’une simple formalité. Il ne me semble pas que je sois indigne de vous, ni que l’établissement que je vous offre ne soit pas pour vous des plus enviables. Ma situation, mes relations avec la famille de Bourgh, ma parenté avec votre famille, sont autant de conditions favorables à ma cause. En outre, vous devriez considérer qu’en dépit de tous vos attraits vous n’êtes nullement certaine de recevoir une autre demande en mariage. Votre dot est malheureusement si modeste qu’elle doit inévitablement contrebalancer l’effet de votre charme et de vos qualités. Force m’est donc de conclure que votre refus n’est pas sérieux, et je préfère l’attribuer au désir d’exciter ma tendresse en la tenant en suspens, suivant l’élégante coutume des femmes du monde.

— Soyez sûr, monsieur, que je n’ai aucune prétention à cette sorte d’élégance, qui consiste à faire souffrir un honnête homme. Je préférerais qu’on me fît le compliment de croire à ce que je dis. Je vous remercie mille fois de votre proposition, mais il m’est impossible de l’accepter ; mes sentiments me l’interdisent absolument. Puis-je parler avec plus de clarté ?

— Vous êtes vraiment délicieuse, quoi que vous fassiez ! s’écria-t-il avec une lourde galanterie, et je suis persuadé que ma demande, une fois sanctionnée par la volonté expresse de vos excellents parents, ne manquera pas de vous paraître acceptable.

Coeur

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